Donner corps à un « service public » de la petite enfance

Texte publié le avril 2010.

En France, il existe de nombreux services financés par des fonds publics qui assurent des prestations en direction des enfants de moins de trois ans et leurs familles. Ce sont par exemple les communes qui assurent la gestion des crèches municipales, les départements en charge de la protection maternelle et infantile qui délivrent les agréments pour l’exercice de la profession d’assistante maternelle et se prononcent sur l’habilitation des équipements collectifs. Mais il n’y a pas de véritable service public à vocation générale de la petite enfance dont les obligations, les mandats, le mode de financement etc.… sont définis, explicités dans une organisation globale.

Si l’action revendicative de l’UGFF porte essentiellement sur la réponse aux besoins sociaux des agents de l’état relatifs à l’accueil des enfants dans le cadre de l’action sociale, il n’en demeure pas moins qu’elle inscrit son intervention dans un ensemble plus global.

L’UGFF comme la CGT, militent pour un service public de la petite enfance qui permette une bonne adéquation de l’offre aux besoins des familles et réponde aux besoins de l’enfant.

Faut il encore savoir évaluer les besoins, être précis sur les objectifs à atteindre, les formes, le contenu à lui donner etc. ….cet article ne peut aborder tous les aspects sociétaux posés ici, il se limite à poser quelques éléments de réflexion relatifs aux besoins, à revenir sur les mobilisations unitaires actuelles et à revendiquer des réponses aux besoins des agents de l’état.

L’évaluation des « besoins » à couvrir est délicate

En France, après une décroissance constante durant les années 1980, le nombre d’enfants de moins de six ans augmente chaque année depuis 2000. Ce dynamisme pose avec acuité la question de l’offre d’accueil en termes de modes de garde ; cette pression se combine avec le travail des femmes de plus en plus développé – il existe 56% des couples à 2 actifs parmi les parents d’enfants de moins de 3 ans -. Il faut aussi considérer que ce sont les femmes qui réduisent leur activité pour les enfants ; si le taux d’activité féminine est de 80,2% en présence d’un enfant de moins de trois ans, il chute à 59.8% avec deux enfants et à 37.1% à trois enfants…19% des femmes travaillant à temps partiel voudraient travailler davantage etc.…

Les besoins sont donc potentiellement élevés, puisque suivant les sources CNAF ou DRESS , 59% des enfants de 3 mois à trois ans sur les 2.5 millions (chiffre qui ne cesse de croître) ont potentiellement besoin d’un mode de garde, individuel ou collectif …Tandis que les taux de couverture de ces besoins par les diverses solutions qui nécessitent une aide publique sont insuffisantes : 45% des enfants sont couverts par une aide publique permettant l’accueil individuel, plus 8% scolarisés à l’école maternelle, plus 11% qui vont en établissement collectif.

Le total des places d’accueil (y compris les scolarisés en école maternelle 2-3ans) ne dépasse donc pas le million.

Certes les interférences sont nombreuses, en particulier pour les familles à faibles revenus, entre le choix d’exercer ou non une activité professionnelle, prendre un congé parental rémunéré, confier son enfant à la famille etc. et celui de recourir à un mode de garde. Mais il est peu de dire que les aspirations des parents interagissent avec une législation moins favorable à l’activité féminine et avec une offre de solutions de garde qui ne permet pas de répondre à leurs besoins…Est il normal que 2/3 des enfants de moins de trois ans non scolarisés soient principalement gardés par leur mère - formule encouragée par les congés parentaux - alors que les aspirations familiales vont dans le sens d’une plus grande participation des femmes à la vie active ?

Aujourd’hui, pour l’UGFF CGT les réponses publiques sont insuffisantes et les mesures gouvernementales sont à combattre

Après le « plan petite enfance » du gouvernement à l’arrivée de M. JACOB qui a renforcé l’accueil individuel par des assistantes maternelles indépendantes, renchérit leur coût pour les parents, consacré l’ouverture au privé des fonds publics d’action sociale des CAF, renforcé le développement de crèches privées à but lucratif….

Après la politique de M. BAS qui a limité et fait diminuer ces mêmes fonds d’action sociale destinés aux municipalités et au secteur associatif à but non lucratif, et qui a pointé le coût des crèches jugé prohibitif ,

Aujourd’hui c’est le « trop de personnels », « trop de qualifications », « l’application des 35 heures »… qui servent d’arguments pour justifier les attaques actuelles
Ce que veut le gouvernement c’est :
  diminuer la proportion des professionnels les plus qualifiés dans les établissements et les services d’accueil des jeunes enfants
  étendre les capacités maximales d’accueil des assistantes maternelles de trois à quatre enfants et crée des regroupements d’assistantes maternelles (maisons d’assistantes maternelles) pouvant accueillir jusqu’à 16 enfants sans aucune règle collective de fonctionnement,
  créer à titre expérimental, 8000 places de jardins d’éveil d’ici 2012 pour les enfants de deux à trois ans, prévoyant un taux d’encadrement d’un adulte pour 8 à 12 enfants au lieu d’un pour 8 enfants du même âge actuellement pratiqué dans les crèches,
  continuer à supprimer les places pour cette tranche d’age en école maternelle (moins 60000 depuis 2000) en même temps que les suppressions massives de postes d’enseignants, ce qui augure d’une attaque plus forte encore et plus globale contre l’école maternelle…
  augmenter l’accueil en surnombre de 10 à 20% de l’effectif habituel.

Sans compter que la loi de financement de la sécurité sociale 2010 vient de réduire la formation initiale des assistantes maternelles à 30 heures au lieu de 60h.

Le gouvernement prévoit aussi d’inclure les modes d’accueil dans le champ de la transposition de la directive « services » du parlement européen, ce qui ouvrirait la voie à la mise en concurrence, à la privatisation et à l’accélération de la déréglementation des modes d’accueil collectifs et individuels.

En conséquence, l’UGFF CGT soutient activement, parce que partageant complètement les revendications, les associations et syndicats représentant les familles et les parents d’élèves, les professionnels de la petite enfance et de l’Education nationale regroupés au sein du collectif unitaire « pas de bébés à la consigne » qui sont actuellement mobilisés pour :
  « la reconnaissance de la spécificité des besoins d’enfants de moins de trois ans lors de l’accueil en dehors du milieu familial,
  le maintien et l’amélioration des taux actuels de professionnels qualifiés,
  l’arrêt des suppressions de postes dans l’éducation nationale,
  le renforcement et le développement des structures et des dispositifs publics ou à but non lucratif,
  l’abaissement du reste à charge financier pour les familles... »

L’employeur état doit mener une politique offensive de réservations de berceaux.

L’évaluation des besoins de garde est réalisée en interne par chaque bureau d’Action Sociale des préfectures. La fonction publique dispose donc des moyens d’évaluation des besoins des agents de l’état.
Une anticipation des besoins pourrait être réalisée par recoupements des informations suivantes :
  communication des déclarations de grossesse par les employeurs,
  données socio démographiques, sur la base des effectifs d’enfants âgés de 0 à 3 ans, mises à jour par les services des CAF,
  enregistrement des naissances en PMI du conseil général
  et d’autres informations encore disponibles près de l’INSEE par exemple

Les délégués CGT au CIAS revendiquent de connaître ces besoins et engagent les SRIAS à diligenter près des préfectures les études de besoins à partir des informations qu’elles recueillent.

Seule en 2007, la section régionale interministérielle d’action sociale de Midi Pyrénées, associée avec la mutualité de Haute Garonne, a réalisé une analyse sérieuse des besoins collectifs ou individuels, d’accueil de la petite enfance, pour les agents de l’état de sa région.

Il en ressort par exemple que parmi les interviewés concernés, 97% envisagent une garde permanente de leur enfant, et préfèrent très largement l’assistante maternelle et la crèche comme modes de garde ; la garde occasionnelle touche également 60% des foyers ; ce sont les proches à 44% qui s’occupent des enfants, de moins de 3 ans scolarisés, pendant les vacances scolaires….et en règle générale l’enfant est gardé près du domicile des parents…

Pour le choix d’une assistante maternelle, la proximité géographique du domicile et la disponibilité d’une place sont les 2 premiers critères cités….

Pour le choix d’une crèche, la possibilité de socialisation de l’enfant est le premier critère de choix mais la disponibilité d’une place, la proximité géographique, la confiance et la présence d’un personnel qualifiée, le coût, rentrent également en compte. Le manque de disponibilité des crèches est spontanément cité comme critère de choix par défaut….

Si les disparités existent et sont liées au mode de garde retenu, le budget mensuel consacré à la garde permanente d’un enfant de moins de trois est en moyenne de 340 euros (90% consacrent entre 140 et 540 euros)…
Par ailleurs, l’étude à l’initiative de la DGAFP, en cours de réalisation, relative à l’amélioration de la gestion et du suivi des réservations de places en crèches pour les agents de l’état, en son chapitre « coût des modes de garde pour les familles » conclut en ses termes :

« pour les familles qui ont des ressources les plus faibles, c’est l’accueil collectif qui est le mode de garde le moins cher, la situation s’inversant pour les familles dont le revenu est supérieur à 2 SMIC :
→ 4.9% de taux d’effort pour un accueil en EAJE et 9% pour un accueil en ASMAT avec un SMIC,
→ 6.7% de taux d’effort pour un accueil en EAJE et 5.4% pour un accueil en ASMAT avec 3 SMIC »

Pour l’UGFF CGT, la politique de réservation de places en crèches relancée en 2007 et poursuivie en 2008 et 2009 doit se développer dans la fonction publique de l’état.

Aujourd’hui elle ne concerne que neuf régions pour 760 berceaux réservés….

> L’effort doit se poursuivre dans toutes les régions.

L’UGFF milite pour des conventions passées en priorité avec des personnes publiques (centres hospitaliers, communes, conseils généraux) au contraire des actuelles conventions majoritairement passées avec des prestataires privés. Si les raisons de fond sont essentielles, les contraintes imposées par le privé le justifient aussi : pas de possibilité de résiliation avant le terme, le coût de la réservation peut être plus élevé car il peut s’assortir d’une clause de révision du coût du berceau chaque année … il parait plus facile aussi d’opérer un suivi des réservations avec des personnes publiques etc.…

> Les crédits correspondants doivent être inscrits au budget d’action sociale interministérielle, et participer de l’augmentation de l’enveloppe globale attaquée chaque année depuis 2007,alors que celle-ci est réduite au bénéfice de prestations individuelles dont la demande explose comme le CESU.

Au mieux, en 2010, 436 berceaux pourront être financés avec 4M d’euros en crédits de paiement, c’est insuffisant.

Puisque les agents peuvent financer l’accueil en crèches de leurs enfants par des chèques emploi service, l’UGFF CGT propose que le taux de pénétration de la prestation – crèches soit porté à hauteur de celui atteint par les CESU.

L’UGFF CGT se prononce clairement pour un développement des réservations de places en crèches et pour l’augmentation de la participation des employeurs publics au financement des CESU.

*les chiffres et taux cités sont de source : INSEE enquête emploi, CAF, DRESS.