Infrastructures routières nationales : Sortie de route du Grenelle et fausse route financière et sociale !

Texte publié le 25 novembre 2010.

FEDERATION NATIONALE DE L’EQUIPEMENT
ET DE L’ENVIRONNEMENT

Le 03 novembre 2010

La démarche CGT déborde le simple cadre de la mise en en débat public dans les régions de
l’avant projet de schéma national des infrastructures de transport (SNIT)(1) pour lequel les
organisations de la CGT en territoire, en convergence avec la Fédération nationale de
l’équipement - environnement (FNEE) s’expriment à partir de l’analyse de la CGT(2) et
portent les points de vue des salariés et des citoyens sur telle ou telle infrastructure en regard
de l’intérêt général, des besoins du transport multimodal et de l’intérêt local du
désenclavement, de l’aménagement équilibré du territoire et de la sécurité.

La CGT affirme que :

I. Les nouvelles infrastructures routières et autoroutières sont une sortie de route du Grenelle de l’environnement.

Au cours de l’année 2009/2010 pas moins de quatre débats publics ont été organisés :
RN
126 - tronçon de 60 km entre Castres /Toulouse-, RN 154 -maillon de 100 km entre
Nonancourt /Allaine, axe Dreux /Orléans ; l’ancienne RN 10/A63 - tronçon de 102 km de
SALLES en Gironde et l’échangeur de SAINT-GEOURS de MARENNES dans les Landes ;
RN7/RN84, axe de la Route Centre Europe Atlantique dite RCEA, tronçon de160 km entre
Mâcon et Montmarault pour relier l’A71 à l’A6.
Ils viennent s’ajouter aux autres déjà aboutis et concrétisés par des D.U.P ou par le
lancement des projets.

(1) Le SNIT, prévu par la loi du 3 août 2009 (J0 5 août) de programmation du Grenelle de l’Environnement, vise les infrastructures de
tous les modes (aérien, fer, fluvial, maritime, routier). Il doit répondre aux critères d’intermodalité, d’accessibilité, de structuration
de l’espace, de progrès social, de développement économique, de lutte contre le réchauffement climatique, de préservation de la
biodiversité et de la santé…un rapport environnemental est à l’appui de l’avant projet du SNIT présenté le 13 juillet2010…. et
depuis fin septembre un avis de l’Agence d’évaluation environnementale a été également rendu public. Il doit être approuvé par
décret à la fin de l’année, après consultation des collectivités territoriales et celui des Conseils économique social Régionaux
(CESR), avis de l’Autorité environnementale et du Conseil national du développement durable et Grenelle de l’environnement
(CNDDGE), et soumis au débat du Parlement.

(2) La CGT, partie prenante du Grenelle, a donné sa position dans un communiqué diffusé le 8 septembre 2010 suite à l’examen par
le CNDDGE de l’avant projet du SNIT : https://www.equipement.cgt.fr/IMG/pdf/COMMUNIQUE_de_presse_SNIT_sept_2010.pdf

Conséquences : ces routes nationales gratuites deviendront de futures autoroutes à péages et
augmenteront la capacité autoroutière globale du pays de plus de 850 km sur un total d’un
peu plus de 11000 km de réseau autoroutier national (dont un peu plus de 8000 km privatisés
au profit des sociétés d’autoroute depuis 2005).
Les solutions d’aménagement routier sur les tronçons de routes nationales existantes (dont la
mise à 2x2 voies aux caractéristiques géométriques d’une autoroute ou voie express) sont
sans nul doute, nécessaires pour des raisons de sécurité et d’aménagement des territoires
respectant les enjeux environnementaux et permettant le développement de l’économie
locale.
Mais, contrairement à l’engagement du Grenelle de ne plus augmenter la capacité
autoroutière globale sauf pour éliminer des points noirs de congestion et des problèmes de
sécurité ou d’intérêt local, on est loin d’endiguer la relance autoroutière ; le pire aurait été
évité selon les propositions du SNIT d’abandonner ou de retenir certains projets si l’on se
réfère à un scénario de continuité des années passées !
Qui en profitent ?
Les réels bénéficiaires de ces décisions seront sociétés industrielles et de distribution qui
provoquent (et sont de fait encouragées à..), par la délocalisation de leurs productions et des
emplois, une intensification du trafic routier de marchandises, une dégradation des
conditions de sécurité, de vie et de santé pour les populations ce qui a un coût élevé pour les
collectivités locales qui supportent la totalité des coûts externes (infrastructures, coûts
sociaux et environnementaux de pollution et des nuisances) .
Les chargeurs et grands groupes de transport routier verront en leur faveur un avantage
économique par rapport aux modes de transport alternatifs, ferroviaire et fluvial et maritime
puisque dès la mise en service de ces tronçons neufs, ils auront des capacités
supplémentaires pour les trafics des PL de transit (qui n’apportent rien à l’économie
locale !). Mais en ce qui concerne les populations et notamment les salariés, elles (ils)
devront une fois de plus mettre la main au porte monnaie pour accéder aux lieux de travail.
Il est important de souligner les effets induits du coût des transports pour les salariés qui ne
cessent d’augmenter dans le budget des ménages (carburant et péages..) et ses conséquences
sur le pouvoir d’achat. Et de plus on prend le chemin de la généralisation des péages
urbains !
La CGT a dénoncé la généralisation des concessions des infrastructures
routières et a émis de fortes réserves à ce stade de l’avant projet du SNIT :
 La dimension sociale est loin d’être à la hauteur, les défauts d’aménagement du
territoire, enjeu dont l’Etat a la responsabilité, au regard de l’égalité de traitement, du
droit à la mobilité, du désenclavement des territoires apparaissent criants.
 Aucun élément démonstratif, dans cet avant-projet, ne permet de vérifier si les choix
avancés, répondent, projet par projet, aux 5 critères de l’article 17 de la loi Grenelle 1
et à la grille d’indicateurs sociaux, écologiques et économiques, élaborée à la suite du
Grenelle. De plus nous n’avons aucune lisibilité sur l’ensemble des projets routiers
dont la plupart n’ont pas été présentés dans l’avant projet du SNIT au motif que des
décisions de haut niveau de l’Etat étaient intervenues sur les procédures d’arbitrages
(DUP et projet..).

II. La généralisation des concessions autoroutières c’est une fausse route de financement avec des conséquences sociales inacceptables pour les emplois publics.

 Il ne faut pas prendre les usagers de la route pour des « vaches à lait »
Le modèle économique du Gouvernement pour la réalisation des projets d’infrastructures de
transport et en particulier les projets routiers est la concession autoroutière et le contrat de
partenariat public-privé…
A travers ces montages financiers public-privé en substitution aux solutions de financement
sur fonds publics il est recherché un désengagement budgétaire de l’Etat sur les ouvrages
d’intérêt général que sont les infrastructures, investissements à long terme et structurant pour
la société, alliant le développement économique et social local et régional ainsi que l’intérêt
national au moment où l’on cherche à répondre aux enjeux de lutte contre le réchauffement
climatique et aux défis environnementaux et énergétiques.
La concession c’est perdre la maîtrise publique transférée au privé ; C’est la gestion de
la route selon les critères de la rentabilité basés sur plus de trafics, donc à l’évidence des
milliers de PL en plus sur la route et la logique de faire payer le plus gros de la facture aux
usagers par les péages, alors que l’usage de ces tronçons de routes nationales est aujourd’hui
gratuit.
La CGT ne s’oppose pas pour autant à la nécessité des aménagements routiers mais elle
conteste ces choix du Gouvernement de passer en force sa politique de privatisation,
toujours dans la même logique de marchandisation du domaine public routier et de
l’ensemble des activités en particulier celles de l’exploitation et l’entretien du réseau routier
national par le secteur public au sein du ministère de l’écologie, de l’énergie, du
développement durable et de la mer (MEEDDM).
Cette décision est totalement scandaleuse, contraire à l’intérêt général de garantir le
principe d’égalité d’accès au service public sur le réseau routier national.
Les décisions de concessions autoroutières se mettront en oeuvre au détriment des
aménagements nécessaires pour sécuriser les voies existantes qui seront utilisées par la
majorité du trafic local voulant éviter les péages ! C’est-à-dire pour les trajets domicile –
travail.
De plus à la sortie des périodes d’amortissement de ces investissements (durées de 20 ans ou
plus des concessions avec un retour improbable de ces infrastructures à l’Etat) qui paiera les
nécessaires coûts d’entretien ? L’usager et/ou le contribuable ?
La CGT se prononce pour le retour des réseaux autoroutiers privatisés dans le giron de
l’Etat pour garantir la maîtrise publique de la propriété et de son utilisation ainsi que
du financement de son entretien et exploitation dans le cadre du service public.

Les besoins de financement :
Les ressources de financements publiques pour les aménagements de capacité et de sécurité,
l’entretien et l’exploitation de la route doivent être mobilisées à partir d’un pôle financier
public que la CGT revendique pour le financement des investissements d’intérêt général.
Le réseau routier national qui vient à peine d’être redéfini et réorganisé en 2004 suite à la
décentralisation de 20 000 km de routes nationales aux Conseil Généraux (que la CGT n’a
jamais acceptée pour ce qu’elle portait comme logique de désengagement de l’Etat et
d’affaiblissement du secteur public routier..) ne pas doit devenir la proie des sociétés
privées (BTP et fonds de pension..) à travers les concessions.
 Le réseau routier national doit être financé sur des crédits publics par
l’Etat :
o Les dépenses conséquentes au titre des Plans de développement et de modernisation
des itinéraires (PDMI) mis en place depuis la fin de la programmation des opérations
routières nationales des contrats de projets Etat/collectivités(3),
o les dépenses sur le réseau routier national non concédé décidées dans le SNIT.
 Il faut stopper le démantèlement du réseau routier national public et
gratuit.
La généralisation des concessions autoroutières ont pour conséquences de démanteler
un peu plus le réseau routier national non concédé c’est-à-dire gratuit, exploité et
entretenu par les services publics du MEEDDM.
La CGT alerte sur la remise en cause des emplois publics des services dédiés à
l’exploitation, l’entretien et la maintenance du réseau routier national non concédé, au sein
du MEEDDM. Il est inacceptable que cela se traduise par un gâchis de compétences
qualifiées des agents publics de l’Etat ainsi que de l’ingénierie routière, abandonnée au
détriment des collectivités et contractée sur les besoins propres de l’Etat.
Le sort réservé aux personnels publics rattachés aux DIR serait d’être embauchés par les
futures sociétés exploitantes, attributaires des marchés de concessions.
Nous avons tiré les enseignements et bilan des transferts de personnels, opérés sur la RN 205
en Haute Savoie et en cours de négociation sur la RN10/A63, qui n’ont eu d’autres choix,
pour garder leurs emplois et lieu de travail , que d’abandonner leur statut Etat pour se
retrouver embauchés dans un contrat de droit privé de 5 ans (renouvelable comme un CDD)
ou bien une mise à disposition de 3 ans, (le cas échéant renouvelable vers un hypothétique
CDI).
En cas de perte d’emploi, l’agent se trouve en situation de rechercher un poste au sein de son
Administration Etat (DIR) ou collectivités territoriales ou de leurs établissements publics,
dans le cadre de la Loi « mobilité » qui place les agents en totale précarité vers une
procédure de licenciement s’ils n’acceptent pas un des trois postes qui leur sont proposés !
(3) Les collectivités locales qui sont désormais en plein désarroi financier pour élaborer leur budget 2011 seront
contraintes à de véritables coupes sombres pour faire des économies sur les budgets routiers suite à la mise à
la diète des financements des collectivités par le gel des dotations de l’Etat et l’augmentation des charges
liées au transfert de compétences de l’Etat, et à la baisse des ressources fiscales (TP).

La CGT a dénoncé cette situation des agents face à un tel marchandage et chantage.
 Inacceptable, quand on connaît les métiers de l’exploitation et de l’entretien de la
route qui nécessitent une revalorisation et une reconnaissance des qualifications afin de
garantir un bon niveau de service et de sécurité pour l’ensemble des usagers sur
l’ensemble du territoire.
 Inacceptable que l’amélioration des conditions de travail en respect de leurs statuts ne
soit pas au coeur des activités du service public de la route
 Inacceptable aussi que l’abaissement des coûts du travail soit la clé des évolutions
vers la réduction des moyens humains et des garanties sociales.
La CGT alerte sur la nécessité de reconquérir les activités privatisées et de renforcer
les emplois publics au profit de l’intérêt général et pour satisfaire les besoins des
usagers.
 La CGT exige du Ministre la lisibilité des opérations d’investissement
routier (PDMI) ; les plans de modernisation des itinéraires (PDMI) doivent
impérativement être actualisés, précisés et dotés budgétairement. Ce qui est loin
d’être le cas dans le projet de loi de finances 2011 !
 La CGT conteste le processus de concession autoroutière ou de PPP, recherché
pour permettre à l’Etat de se désengager pour les investissements de son niveau et
au prétexte d’accélérer la modernisation de tronçons du réseau national voulue par
les usagers et les élus.
 La CGT porte des revendications pour le renforcement du service public routier :
· pour le maintien et le développement des services d’exploitation et d’entretien
sur le réseau routier national non concédé ; ce qui suppose de s’opposer :
 à la privatisation des routes et de leur exploitation, ainsi qu’au transfert des
agents de l’Etat aux sociétés d’autoroute ; les personnels doivent conserver
leurs statuts de fonctionnaire d’Etat, ainsi que des garanties sur les conditions
de travail (localisation et postes …).
 à l’externalisation des tâches d’entretien et de maintenance.
 aux attaques contre les principes de gratuité, d’égalité des usagers et de
solidarité nationale apportés par le service public.
· pour un grand service de l’ingénierie du développement durable au sein des
services de l’Etat (DIR, DREAL, DDT et réseau technique national) qui sont
durement attaqués et contractés : avec d’une part la suppression de l’ingénierie
publique concurrentielle engagée, depuis 2007, par la RGPP et d’autre part,
l’annonce au comité de suivi RGPP de fin juin 2010 d’une réorganisation des
services d’ingénierie routière propre de l’Etat dans les 2 prochaines années.
Voir la liste des projets routiers déclarés d’utilité publique dont la réalisation s’inscrit dans la
nécessaire continuité de l’action publique :