COMPTE-RENDU DE LA BILATERALE RETRAITE CGT / MINISTERE DE LA FONCTION PUBLIQUE LE 4 MAI 2010

Texte publié le 5 mai 2010.

La CGT était représentée par Jean-Marc Canon, secrétaire général de l’UGFF, Sylvie Brunol pour la fédération de la Santé, Sandrine Mourey pour celle des Services Publics, Gilles Oberrieder pour l’UGFF et Jean-Louis Butour, qui participe à l’ensemble des délégations CGT, confédérale et fonction publique, pour le lien avec la confédération.
Le ministère de la fonction publique l’était par le directeur-adjoint du cabinet de Woerth et directeur de celui de Tron, M. Samuel Barreault, M. Stéphane Bonnet, conseiller social pour les retraites au cabinet de la fonction Publique, M. Thomas Andrieu, directeur adjoint de la Dgafp, le chef du bureau en charge des retraites à la Dgafp, le chef du bureau de la réglementation du Service des Retraites de l’Etat et un représentant du COR.

Des documents nous ont été transmis le vendredi précédent sur l’emploi des seniors et les spécificités fonction publique. Ces documents listent beaucoup des différences entre les retraites du privé et celles de la fonction publique. La séance du 4 mai a traité de la question des seniors et des avantages conjugaux. Les règles spécifiques de calcul des droits (les 6 mois et le taux de cotisation) et les bonifications hors pénibilité seront vues le 12 mai, ainsi que la question de la pénibilité. Le 12 mai sera la deuxième et dernière bilatérale avant la publication d’un « document optionnel », unique au privé et au public, qui présentera des options dont certaines seront ouvertes et d’autres fermées (!).
Les choix plus précis du gouvernement seront présentés dans un document d’orientation à la mi-juin, soit après le congrès de la CFDT du 7 au 11 juin.
Cette échéance et la volonté d’éviter les mobilisations font que le gouvernement joue la montre, pour accélérer les échéances cet été et à l’automne.

En préalable le directeur de cabinet a affirmé qu’au-delà de la phase présente destinée à « sentir la sensibilité des syndicats » sur les différents points, il y a une certitude que des mesures seront prises concernant la fonction publique.
La CGT s’est élevée contre la méthode de concertation, à la fois sur le calendrier contraint et court, les thèmes traités excluant le niveau des pensions par exemple, et la méthode des rencontres bilatérales, sans réunions plénières avec l’ensemble des syndicats, ce qui montre une absence de volonté réelle de négocier.
Le directeur a affirmé que des multilatérales pouvaient se réunir après la publication du 1er document de propositions à la mi-mai, et que d’autres thèmes pouvaient être abordés pendant les réunions.

L’emploi des seniors
Le gouvernement a listé les dispositifs de la fonction publique favorisant la prolongation d’activité : la limite d’âge (à 65 ans dans la fonction publique et 70 ans dans le régime général), la possibilité de cumuler un emploi et une retraite « l’employabilité » en fin de carrière qui peut être améliorée.
Il a ensuite repéré les dispositifs permettant au contraire des départs plus précoces : départs anticipés des parents de trois enfants, le mode de calcul du minimum garanti.

Les limites d’âge :
Question : la fonction publique doit-elle appliquer la même règle que le privé, interdisant la mise à
la retraite d’office avant 70 ans ?
Pour la CGT il n’est pas question d’entrer dans une logique justifiant le recul de l’âge de la retraite de 60 à 65 ans. La CGT a souligné que les comparaisons public/ privé sur l’âge de départ ne tiennent pas compte du fait que les fonctionnaires travaillent jusqu’à l’âge de leur départ en retraite, quand les salariés du privé sont majoritairement sortis de l’emploi depuis plusieurs années avant la liquidation.
La CGT n’ignore pas la question des carrières incomplètes, qui sont largement dues aux réformes gouvernementales. La politique réelle des employeurs publics est restrictive sur les prolongations après 65 ans. Il existe des fonctions pour lesquelles il est nécessaire d’avoir des limites d’âge.
Cette question, qui est globale, devra être traitée au niveau de la délégation CGT confédérale.

Le cumul emploi-retraite :
Question : doit-on harmoniser les règles de cumul entre privé et public, qui sont quant au montant plus souples dans le privé ?
Là aussi les questions sont globales puisque c’est le gouvernement qui a favorisé le desserrement des règles de cumul emploi-retraite. Il n’est pas pour nous envisageable d’entrer dans une logique d’aménagement des règles accompagnant une baisse programmée des pensions par le développement du travail des retraités.
De fait la question du cumul pensions / nouvel emploi pour les policiers ou les infirmières, consécutifs à un départ anticipé n’a pas été abordée par la délégation du ministère.
Cette question devra aussi être traitée au niveau de la délégation CGT confédérale.

La deuxième carrière ou l’accompagnement des parcours professionnels :
La CGT fonction publique ne considère pas que cette question soit directement reliée à la question de la retraite. Elle a une approche plus liée au déroulement de l’ensemble de la carrière.
La CGT est favorable à une meilleure mobilité choisie. Elle constate que dans aucun des trois versants de la fonction publique la formation n’est au niveau où elle devrait être. Elle n’a pas d’hostilité à un allongement des carrières au sein de la fonction publique qui permette une plus grande amplitude de progression dans la grille, notre objectif étant qu’un agent voit son indice initial de rémunération être multiplié par deux en fin de carrière.
La CGT est favorable à des filières communes entre les trois fonctions publiques, Etat, territoriale et hospitalière, et à favoriser les mobilités transversales entre elles. Elle est aussi favorable à rapprocher les écoles de formation respectives et par exemple à l’organisation de cursus communs.
Pour toutes ces raisons la loi d’août 2009 sur la mobilité est une des plus mauvaises réponses possibles à de vraies questions.
Dans la territoriale et l’hospitalière particulièrement il existe d’importants problèmes de commissions de réformes, certains agents (aide-soignantes, adjoints techniques, …) étant mis en invalidité alors qu’ils souhaiteraient continuer leur carrière sur d’autres postes. Les employeurs publics n’ont pas de politiques d’anticipation de ces problèmes.
Sans répondre directement à nos propositions, le Directeur de cabinet convient que le débat est plus large que la retraite et est un point de GRH global. Il propose que le travail sur ces questions soit approfondi dans un temps différent de celui du débat sur les retraites, et demande à la CGT si elle considère que ces questions peuvent aller au-delà d’une simple concertation. La CGT répond positivement.

Les départs anticipés de mères de trois enfants :
Présentation du ministère :

C’est une loi de 1929 qui institue ce droit dans un contexte nataliste et peu propice au travail des femmes. Elle a été réformée en 2003 par ouverture au père avec une condition d’arrêt de deux mois, comme pour les bonifications pour enfants.
La Commission de l’Union Européenne continue à contester juridiquement l’effectivité de l’ouverture aux pères de ces droits familiaux.
L’âge moyen des départs, 50 ans dans l’hospitalière, 53 ans dans l’Etat et 54 ans dans la territoriale,
ne permet pas de remplir l’objectif initial qu’était l’éducation des enfants.
Les départs se font avec beaucoup de petites pensions, ce qui en cas de séparation ou de veuvage génère de grandes difficultés. Ce dispositif peut se retourner contre les agents.
Cette mesure dégrade le taux d’activité des femmes et ne favorise pas des carrières allant à leur terme.
Les départs anticipés permettent à certaines catégories de bénéficier d’une retraite et d’un nouveau salaire comme les infirmières ou les policiers.

Pour la CGT :
On est dans le même débat juridique que pour les bonifications pour enfants, avec un engagement de l’Etat devant les organisations syndicales de défendre la position française. Il n’y a pas d’urgence juridique à réformer d’ici septembre 2010.
La CGT ne souhaite pas mener un débat idéologique sur les fondements politiques de la décision de 1929 mais regarder la réalité de l’utilisation de ce droit aujourd’hui.
Or, il faut bien constaté qu’il est utilisé massivement par les femmes concernées : les 2/3 des mères de famille nombreuse partant en retraite de façon anticipée. Ce qui représente en 2007 17 % des départs des femmes en retraite dans l’Etat, 20 % dans la territoriale et 25 % dans l’hospitalière. On a une réalité de la fuite des mères de famille nombreuses du travail, certainement à mettre en lien avec la pénibilité du travail, ce qui est l’évidence pour les infirmières et les aide-soignantes.
Plutôt que d’envisager purement et simplement la suppression de ce droit le gouvernement doit d’abord se donner les moyens d’analyser pour quelles raisons les mères de famille nombreuses font le choix de renoncer à une carrière complète et à une retraite future plus élevée en partant en retraite plus tôt. Le gouvernement ne peut pas tenir des discours sur l’emploi des seniors, sur la pénibilité, sur la conciliation entre vie de famille et vie professionnelle et ne pas tenir compte d’une réalité qui concerne autant de femmes dans la fonction publique.
Nous ne disposons d’aucun élément concret à part les quelques lignes de problématique sur cette question et des affirmations des membres de la délégation. Il est impossible de traiter d’une telle problématique dans ces conditions.
Il est sans doute nécessaire d’aborder le problème des politiques familiales et de leurs effets sur la natalité et sur les conditions de vie des mères. Encore faut-il le faire d’une façon globale, en examinant ensemble si certains dispositifs peuvent être des formes de réponses. La fonction publique a toujours eu des mesures de politique familiale plus favorables que le privé.
De même les questions de niveau de retraite, de pénibilité du travail et de parcours professionnel sont importantes.
Les retraites servies étant sur des déroulements de carrière très incomplets, cette disposition a-t-elle véritablement un coût par rapport à un départ avec une retraite pus élevée ?
En dehors de ces conditions de concertation et d’éléments plus fiables d’analyse, la CGT ne jouera pas à valider une pseudo-concertation ouvrant ce dossier.

Le minimum garanti :
Présentation du ministère :

Ce mécanisme a des effets pervers qu’il faut limiter en le rapprochant du minimum contributif du privé.
Son montant est plus élevé que le minimum contributif, 1067 euros contre 897 euros (RG + Complémentaire) pour une carrière complète au SMIC.
Son mode de calcul n’est pas proportionnel à la durée d’assurance, il favorise les carrières courtes ce qui est une incitation insuffisante à continuer sa carrière et peut inviter à partir plus tôt (plus de 95 % du minimum garanti pour 30 ans de carrière). Après 30 ans de carrière le gain est de 2 ou 3 euros par années travaillée supplémentaire, ce qui est insuffisamment incitatif. Le minimum contributif du RG est lui proportionnel à la durée d’assurance. Cela pose de plus la question de droits ouverts pour des périodes non cotisées.
Il n’est pas nécessaire d’avoir le taux plein (une carrière complète) pour en bénéficier, ce qui n’est
pas le cas dans le privé.

Pour la CGT :
Un raisonnement qui considère qu’il faut diminuer le minimum de pension pour les agents en bénéficiant est très clairement inacceptable pour la CGT.
Le minimum garanti concerne de très nombreux agents de la fonction publique : la moitié des départs dans la territoriale, un quart dans l’hospitalière et 10 % dans l’Etat.
Mais aussi les 2/3 tiers des départs des parents de trois enfants dans la territoriale, 40 % dans l’hospitalière, 20 % dans l’Etat.
Concernant les départs en invalidité, ce sont les 2/3 qui sont relevés au niveau du minimum garanti dans la territoriale, 50 % dans l’hospitalière, et 30 % dans l’Etat.
Durcir les conditions d’accès et de calcul, c’est d’abord s’en prendre aux fonctionnaires les plus modestes, aux femmes et aux plus malades !

Pourquoi pour le montant l’alignement devrait-il se faire sur le niveau le plus faible, donc du public sur le privé et pas l’inverse ?

Concernant le mode de calcul la CGT est favorable à un calcul favorisant les carrières courtes (25-30 ans), « en courbe » et non linéaire. Le minimum garanti antérieur à 2004 était à 100 % de l’indice 216 pour 25 ans de carrière. Il sera porté à l’indice 227 pour une carrière complète en 2013. La CGT revendique qu’aucune retraite complète ne soit inférieure au SMIC (aujourd’hui indice 292).
Concernant l’ouverture de droits pour des périodes non cotisées, c’est la logique d’un système de retraite solidaire que de le prévoir sous certaines conditions (enfants, service militaire, bonifications diverses, minimum garanti, précarité de l’emploi dans le privé).

Concernant le taux plein, obtenu si on arrive à une carrière complète ou à une limite d’âge (à 65 ans aujourd’hui), la logique ministérielle est de dégrader le mode de calcul afin de rendre plus difficile les départs anticipés, par exemple les départs des parents de trois enfants ou celui de nombreux agents en service dit « actifs », ainsi que l’ensemble des carrières incomplètes. Le minimum garanti a justement été créé pour compenser le caractère incomplet d’une carrière.

Concernant les polypensionnés le ministère a donné l’exemple de cumuls des minimums privé/public supérieurs à ce que sont des minimums 100 % privé ou 100 % publics. En dehors du fait qu’on parle de montants modestes, la CGT considère qu’on ne peut aborder la question des polypensionnés par ce simple prisme, la réalité ultra-majoritaire des polypensionnés étant qu’ils ont une pension totale inférieure à la pension qu’ils auraient s’ils n’avaient dépendu que d’un seul régime de retraite.
Cela demande donc un traitement spécifique par convention entre les régimes existant, et donc a aborder cette question de façon globale entre les régimes. La CGT refuse de saucissonner les thèmes de cette façon.
Elle va travailler de façon spécifique pour élaborer une proposition commune sur les minima privé et public.
Ce thème devrait lui aussi être traité de façon commune au niveau des confédérations.

Les règles spécifiques à la fonction publique
1) Les avantages conjugaux :
Réversion :

Les conditions de montant sont au régime général (54 %) et dans les régimes complémentaires Agirc-Arrco (60 %) supérieures à la fonction publique (50 %), mais accompagnées de conditions de
ressources (au régime général) et d’âge, alors que dans le public il n’y a ni conditions de ressources ni conditions d’âge. Dans le privé une allocation veuvage est prévue avant l’âge de perception de la pension de réversion.
Pour la CGT il n’y a pas de justification a priori à ce que les droits familiaux et conjugaux soient significativement différents dans le privé et le public, sinon dans tous leurs contenus du moins dans leurs objectifs.
Nous considérons qu’il faut chercher des solutions positives pour tous les régimes.

Majoration pour enfants :
Les majorations pour 3 enfants et plus sont de 10 % maximum pour les parents dans le régime général, alors qu’elles sont de 10 % plus 5 % par enfant supplémentaire dans la fonction publique. Faut-il aligner le public sur le privé ?
Pour la CGT l’alignement pourrait se faire à l’inverse sur le public pour le privé, d’autant plus que l’ensemble des régimes spéciaux sont alignés sur le public, et que le système de l’Agirc, retraite complémentaire des cadres, en est très proche.
De même que pour la pension de réversion il faut chercher des solutions positives pour tous les régimes.

Malgré les dénégations de la délégation ministérielle, on voit bien qu’on est dans la première phase d’un processus qui a pour objectif de diminuer les droits dans la fonction publique par alignement sur le moins disant, l’objectif de fond étant de maintenir au travail le plus longtemps possible le plus possible d’agents.

En tirant un bilan immédiat après cette réunion, la CGT a décidé de travailler de façon commune public/privé les thèmes pour lesquels il est nécessaire d’élaborer une approche la plus commune possible : limite d’âge, cumul emploi-retraite, minimum garanti, pension de réversion et majoration pour trois enfants et plus. L’objectif étant d’explorer la possibilité de propositions communes dans un cadre confédéral.

En ce sens, la délégation confédérale CGT a demandé – et obtenu – que ces thèmes soient effectivement traiter de façon commune Fonction public / secteur privé. Aussi les deux délégations seront reçues ensemble sur ces sujets le mercredi matin 12 mai à 9 H.
SUITE DU CALENDRIER :

Mardi 12 mai à 14 H : fin des discussions CGT FP / Ministre

Mardi 12 mai à 16 H 30 : Réunion ensemble des fédérations de la FP et ministère sur « le pilotage des retraites ».

En annexe :
Compte-rendu de la réunion commune des fédérations de fonctionnaires du 3 mai 2010