Déclaration de la CGT au Conseil commun aux 3 versants de la Fonction Publique du 25 octobre 2012 pour le projet de loi ouvrant le mariage civil et le droit d’adoption aux couples de personnes de même sexe

Texte publié le 31 octobre 2012.

Le gouvernement projette, via un nouveau texte de loi, d’ouvrir le mariage civil et le droit à l’adoption à tous les couples. Ce projet marque en France, un tournant important de l’évolution des mentalités.

Enfin, car si à ce propos les mentalités ont évoluées malgré tout assez rapidement dans l’histoire de notre société ces dernières années, l’accès à l’égalité des droits pour les couples de même sexe n’avait jamais fait l’objet, jusqu’à ce jour, d’une proposition de Loi par un gouvernement. Il y a bien eu le PACS, mais il n’ouvre pas l’accès à l’égalité des droits. Enfin, puisque jusqu’à aujourd’hui, les couples de même sexe, n’étant ni autorisés à adopter ni à se marier civilement, étaient considérés implicitement comme des citoyens de seconde zone.

Je rappelle que l’impossibilité d’accéder aux mêmes droits et les discriminations subies sont une violence faite aux personnes LGBT.

Aussi, et même s’il faut agir très rapidement, on ne peut se permettre de le faire dans la précipitation. En effet, de nombreuses modifications du droit vont avoir lieu et il faut les penser sereinement, anticiper de nombreuses répercussions de ces modifications dans chaque secteur. Penser chaque texte, son langage écrit. Personne ne souhaite, je l’espère, que certaines rectifications faites dans l’urgence amoindrissent ou anéantissent des droits essentiels et légitimes acquis par les luttes. Il en est de l’égalité femme/homme en matière de retraite. C’est pour ces raisons que la CGT a voté contre le texte présenté à la CNAV. Par son refus, la CGT a démontré qu’elle agissait en organisation sérieuse, responsable et garante des droits de tous et de chacun.

La CGT est pour l’accès à l’égalité des droits pour toutes et tous. Il est inutile de rappeler les fondements de la CGT et ses actions en matière de lutte contre les discriminations, toutes les discriminations. Les discriminations LGBT en font partie.

Rappelons encore que le 31 janvier 2012, dans le cadre des négociations annuelles obligatoires a été ratifié par l’ensemble des organisations syndicales (CGC-FO-CFDT et CGT) de l’hôtel "Le Méridien" de Nice l’ "Accord d’Entreprise " sur l’Egalité des Droits des Familles Homoparentales initié par la CGT via son collectif confédéral de lutte contre les discriminations envers les personnes LGBT.

Depuis le changement de gouvernement, le pouvoir a mené des actions en faveur de l’égalité des droits des personnes LGBT et la CGT s’en réjouit, vous l’aurez compris. En juin 2012 la ministre de la Santé a annoncé la suppression prochaine de l’interdiction faite aux homosexuels de donner leur sang. Les parlementaires ont voté fin juillet une loi interdisant la discrimination des transidentitaires. En septembre 2012, le Premier ministre a mis en place des groupes de travail pour réfléchir au programme d’action gouvernemental contre les violences et les discriminations commises en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre.

Il est à noter, d’ailleurs à ce propos, que le ministère n’a pas associé les syndicats aux six groupes de travail qui portent, entre autres, sur les politiques de l’égalité : (lutte contre les discriminations dans l’emploi, promotion des bonnes pratiques). C’est parce qu’elle a beaucoup insisté que la CGT a été reçue le 2 octobre et qu’ensuite, l’ensemble des syndicats a été convoqué le 22 octobre sur ces thématiques. Les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre des personnes entrent naturellement dans le champ d’action de notre organisation syndicale. Et pour cause, l’espace de travail est un haut lieu de discrimination pour les personnes LGBT (rapport Halde 2010 (*1) et ce, de surcroît en période de crise (rapport SOS homophobie 2011 (*2).

Le comité économique et social environnemental (CESE) a voté, à l’initiative du groupe travailleurs du comité, un avis sur les « Droits des groupes vulnérables sur le lieu de travail – notamment les problèmes de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ». Le texte insiste sur le renforcement des risques de discriminations en période de crise, insiste sur le rôle des partenaires sociaux face à ce problème, réclame l’adoption d’une feuille de route par l’Union européenne pour l’élimination des discriminations LGBT. Nous avons d’ailleurs à la CGT, en tant que membre du CESE apporté notre contribution à ce document et voté pour son adoption.

La rumeur insidieuse, l’insulte ouverte ou la raillerie douteuse, occasionnelle ou répétitive, venant de la direction, d’un usager, d’un collègue sont communes sur les lieux de travail alors même qu’elles s’attaquent à la dignité de la personne humaine. Au cours de leur vie professionnelle, 84,6% des salarié-e-s LGBT ont ressenti au moins une fois une homophobie larvée au travail, 40,3% ont été victime d’actes ou propos homophobes, 56% ont été témoin d’une homophobie implicite ou explicite vis-à-vis d’un-e autre salarié-e(*3).

J’évoque aussi ici les injures et les discriminations dans les lieux d’éducation, de la maternelle à l’université, à l’encontre des jeunes homosexuels ou à l’encontre de jeunes qui pourraient avoir une allure d’homosexuel aux yeux des autres. Lieu de socialisation, l’école peut aussi devenir un lieu de grande souffrance pour nombre de jeunes et pour les enseignants aussi bien entendu. Il faut agir en prévention à l’école, dans l’école mais aussi auprès des familles, des usagers en général.

Plus d’un quart des homosexuel-e-s qui ont dévoilé leur vie privée au travail ont constaté une détérioration de leurs relations professionnelles après cette révélation. C’est inacceptable et ce fait montre qu’il y a une différence importante entre la loi et la réalité de l’entreprise.

Aussi, puisque de nombreux travailleurs pourront être identifiés comme homosexuels, ils s’exposent à des discriminations bien souvent insidieuses. Si un travailleur demande des jours pour se marier ou adopter, son employeur pourra connaitre son orientation sexuelle. Ces salariés pourvus de nouveaux droits ne doivent pas être à nouveau victimes de discriminations.

Vous l’aurez compris, la CGT souhaite donc que les premières mesures prises pour l’égalité des droits soient suivies de garde-fous, afin que les droits soient réels et n’entrainent pas de nouvelles discriminations, au travail et ailleurs, pour les uns et les autres. Elle demande à nouveau à ce que la réflexion et l’action contre les discriminations soient poursuivies avec les associations mais aussi avec les syndicats qui ont toute légitimité pour agir sur ces questions.

La CGT demande à ce que tous les moyens nécessaires soient mis en œuvre pour que la loi s’applique en toute sérénité, sans stigmatisation et sans nouvelles discriminations. Nous savons que la loi ne protège pas de tout.

Enfin, la CGT rappelle à nouveau que si le temps presse pour l’entière reconnaissance de la personne, quelle que soit son orientation sexuelle, comme citoyen à part entière, les nouveaux textes ne doivent pas, pour autant, être examinés dans la précipitation, à la hâte. Les partenaires doivent veiller à ce que personne ne puisse subir de nouvelles discriminations. Les femmes en ont subi assez depuis la nuit des temps. Tout comme les personnes LGBT.

Vous l’aurez compris, les organisations de la CGT représentées ici au conseil commun sont plus que favorables aux nouvelles dispositions statutaires inscrites dans le projet de loi, qu’il s’agisse du congé d’adoption ou de parentalité pour les personnes de même sexe. Nous continuons à revendiquer l’égalité des droits pour les couples mariés, pacsés ou en concubinage.

Ensuite et je terminerai là-dessus, point d’égalité dans l’accès au droit du mariage civil si la loi n’est pas contraignante pour les élus et si elle devait instaurer une clause de conscience, comme pour l’IVG.

1* 49,7% des réclamations traitées sur ce sujet se rapportaient au domaine de l’emploi.
2* Le rapport 2011 de SOS-Homophobie indique que le nombre de cas de discrimination au travail est en hausse et représente 13% des appels reçus par l’association.
3* Les données chiffrées de ce passage sont tirées du rapport « Homophobie dans l’entreprise » réalisé sous la direction de Christophe Falcoz pour le compte de la HALDE en 2007.