Tribune libre
La branche -coupée- de "l’identité nationale" ne doit pas cacher la forêt d’une politique de plus en plus répressive à l’égard des Etrangers

Texte publié le 17 novembre 2010.

La Confédération Générale du Travail et le Collectif "Immigration-fonctions publiques" qui réunissait, en 2007, l’ensemble des syndicats CGT des différents services ministériels intervenant en direction des étrangers, s’étaient vigoureusement élevés, avec beaucoup d’autres, contre l’annonce, puis la création du ministère de l’immigration et de "l’identité nationale".

La suppression dudit ministère et la disparition du funeste concept d’identité nationale ne peuvent donc que réjouir les organisations de la CGT…Il ne faudrait cependant pas que cette situation, résultant pour beaucoup de la quête d’un gouvernement resserré, fasse perdre de vue l’essentiel.

A ce sujet, nous faisons, partie de ceux qui ont été surpris par la tonalité, limite bienveillante, de certains des commentaires qui ont suivi l’absorption des attributions du ministère de l’Immigration par le ministère de l’Intérieur. Oh, loin de nous l’idée de vouloir départager M.M. Besson et Hortefeux au (triste) "hit-parade" de la répression à l’égard des étrangers ; au-delà de la personnalité des hommes, ce sont les choix idéologiques et institutionnels qui sont fondamentaux.

De ce point de vue, comment ne pas relever que, pour la première fois dans l’histoire de la République (à notre connaissance), la gestion du droit d’asile est institutionnellement confiée au ministre de l’intérieur, et cela au moment même où se mène, depuis quelques années, la politique à l’égard des étrangers la plus répressive que l’on ait connu depuis 1945.

Comment ne pas rappeler au président de la République que les bénéficiaires du droit d’asile ne sont pas la résultante des "flux migratoires que seul le ministre de l’intérieur a les moyens de réguler" (extrait de l’entretien télévisé du 16 novembre) mais des réfugiés… fuyant la guerre ou la répression politique.

Mais cette question principielle du droit d’asile ne doit pas, non plus, masquer le fait que depuis 2007 et même depuis 2002 (passage de N. Sarkozy place Beauvau) le ministère de l’intérieur, non content d’être le grand ordonnateur des sept lois relatives aux étrangers qui ont été successivement publiées, n’a cessé de peser, dans un sens restrictif, sur la politique et les compétences des ministères qui ont eu parallèlement et successivement en charge les questions d’entrée, de séjour, d’insertion et d’accès à la nationalité française des étrangers. (Affaires Étrangères, Affaires Sociales, ministère de l’Immigration). On trouve une bonne illustration de cet état de fait dans la (mauvaise) mesure de déconcentration sur les préfectures des décisions d’octroi et de refus de la nationalité française -inlassablement prônée par le ministère de l’intérieur- qui a finalement été mise en œuvre, début 2009, dans le cadre de la Révision Générale des Politiques Publiques.

Désormais, la politique menée en direction des Étrangers est donc sortie du "sas" provisoire (le ministère de l’immigration et de l’identité nationale) dans lequel l’avait fait tactiquement passer le président de la République, en 2007, conscient qu’il ne lui était politiquement pas possible, à l’époque, de faire accepter la brutale main mise du ministère de l’intérieur.

Avec l’ensemble des organisations syndicales, associatives, politiques qui se mobilisent, depuis des années en défense des droits des étrangers, la CGT prendra toute sa place dans la résistance au nouveau "tour de vis" qui s’annonce sous la houlette directe du ministre de l’intérieur.

Marc Bonnefis
(secrétaire du Syndicat CGT
de l’ex ministère de l’intégration)