Le cri d’alarme des personnels pénitentiaires
Effrayante recrudescence des suicides de gardiens de prison

Texte publié le 30 novembre 2010.

Par Céline VERZELETTI, Secrétaire Générale de la CGT Pénitentiaire.

Si nous savions que la prison et l’incarcération produisent de lourdes pathologies et des passages à l’acte violents chez les personnes incarcérées, nous savions aussi que les métiers de l’administration pénitentiaire sont des métiers réputés à hauts risques psychosociaux (RPS) (1). En effet, ils génèrent une quantité considérable de souffrance au travail accentuée par les souffrances du travail.

2009 : à la suite d’une infernale recrudescence de suicides et/ou de tentatives de suicides des personnels de surveillance particulièrement, la CGT demande la création d’une commission de travail relative aux suicides des personnels et généralement sur les risques psychosociaux afin d’élaborer un plan de prévention contre ces menaces professionnelles.

Le groupe de travail patronné par l’administration a sollicité l’Inserm de Bordeaux, qui mène une étude sur le suicide des personnels. Ce que nous savions prend corps : le taux de suicide des personnels de notre administration est effrayant !

Les premiers éléments de l’étude menée depuis quelques mois par la très sérieuse institution montrent un taux de sursuicidité considérable. En effet, entre 2005 et 2009, le taux de suicide des personnels pénitentiaires est de 43 % supérieur à celui de la population générale et de 21 % supérieur à celui rencontré au sein de la police ! Effrayant ! Si la CGT pénitentiaire sait que l’administration et le ministère ne peuvent interagir directement sur la vie privée des personnels, elle sait aussi qu’ils doivent agir sur ce dont ils sont responsables : la qualité des conditions de travail des agents, les politiques pénales et le système carcéral.

En effet, les déséquilibres engendrés par les conditions de travail nettement dégradées, les heures supplémentaires obligatoires liées aux déficits d’emplois et associées aux horaires de travail ne respectant pas les rythmes biologiques des personnes, les restructurations et fermetures d’établissements, les ouvertures d’établissements inhumains, les organisations du travail sont des situations fatales pour les personnels. Lorsque l’ensemble des situations de violences rencontrées au travail en prison se surajoutent, alors le travail peut devenir un environnement funeste et létal !

Ces dégradations démesurées de nos conditions de travail sont les conséquences de choix politiques et sociaux gouvernementaux qui provoquent de trop grandes souffrances au travail, allant de la dégradation de l’état de santé physique ou/et mental au burn-out (épuisement lié au travail), qui entraîne souvent les agents à commettre des fautes professionnelles pour lesquelles ils sont sanctionnés, sans parfois pouvoir se défendre correctement. Si l’agent est déjà fragilisé par une situation interne ou externe au travail, cela peut aller de la tentative de suicide au suicide ! Quand un gouvernement décide d’un choix politique et social, et qu’il ne donne pas les moyens qui vont avec, alors il fait preuve d’une totale irresponsabilité envers les citoyens, d’un mépris intégral envers les personnels et d’une indifférence absolue sur la conséquence de ses décisions et actes !

Si la CGT pénitentiaire est satisfaite de l’étude statistique relative aux taux de suicide, nous savons que l’administration cherche par tous les moyens à rester focalisée sur les causes externes des suicides, en oubliant intentionnellement l’ensemble des risques psychosociaux et leurs origines à multiples facettes. Elle ne veut en aucun cas, pour l’instant, aborder les conditions de/du travail et son organisation comme origines et causes des RPS. La CGT lui rappelle activement à chaque fois que le facteur travail a une importance capitale !

Face à tant de mépris, les agents sont en colère ! Des mouvements sociaux ont eu lieu les 15 et 24 novembre 2010. Il y a dans le secteur un déficit actuel de 4 000 emplois, sans compter les nouvelles missions imposées, et ce, sans apport de nouveaux moyens !

Céline VERZELETTI

(1) Les RPS recouvrent des risques professionnels 
qui portent atteinte à l’intégrité physique et à la santé mentale des salariés. En France, ils ne sont définis 
ni juridiquement ni statistiquement.

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